Les enfants de Sévigné
A vous toutes et tous mes amis retrouvés de l'école primaire Sévigné
Embarque-toi à bord de
la machine à remonter le temps. Je t’emmène dans une petite
ville de Normandie avec un nom à coucher dehors:
Caudebec-lès-Elbeuf. Ce nom provient du norrois, une langue
scandinave médiévale. Le “bec” c’est le ruisseau, le “beuf”
la cabane: au fond, ce nom est plus poétique qu’on aurait pu le
croire. On pourrait voyager au temps des Normands et des premières
communautés qui ont peuplé ce bout de terre mais on n’ira pas
aussi loin. On s’arrêtera
au pays de notre enfance: dans une petite école de quartier en
brique, l’école Sévigné.
Là, les beaux platanes
de la cour étaient les témoins silencieux de nos jeux pendant la récré: à leurs
pieds, nos petits doigts poussaient les billes aux drôles
de nom comme “oeil de boeuf”, “oeil de
chat”,“galaxie”ou“agathe”. La cour résonne encore de nos
parties de balle aux prisonniers, de nos cris, de nos éclats de
rire, de nos sauts à la corde ou à l’élastique et de nos petits
tourments d’enfant. Les jours de pluie, le préau devenait notre
abri forcé, le temps ne semblait plus finir à rester entassés
là-dessous mais notre fantaisie débordante nous permettait toujours
de nous en tirer. On ne s'attardait pas bien longtemps dans les chiottes à la turque situés dans la cour et l'on regagnait vite fait la
classe où régnaient le silence et l'ordre, à côté de notre "camarade de banc". Les craies lancées parfois par
l’instituteur nous rappelaient les limites à ne pas dépasser et à
la cantine aussi, les dames de service toute de blanc vêtues
_les madame Paul, les Régine et je ne sais plus_ étaient la plupart
du temps gentilles et savaient se faire respecter: il ne fallait pas
se tenir mal et si l’un d’entre nous avait le malheur de
répondre, il passait pour “effronté” et devait baisser les
yeux!
C’était le temps de
la belle écriture du maître
ou de la maîtresse
au tableau, des taches d’encre sur les buvards, des photocopies à l'odeur d'alcool et l'écriture violette que le
maître
obtenait d’un drôle
d’engin à manivelle avec un cylindre, des bons points
verts et des images,de la colle blanche qui sentait l’amande, des
livres qui étaient déjà vieux, des porte-manteaux situés hors de
la classe, des "bn" ou autres goûters
dans la poche, du premier étage au CE2 et son inquiétant couloir
aux animaux empaillés. On allait à pied faire du sport dans une
salle de boxeurs où l’on mettait plus de temps sur la route qu’à
faire du sport; quand on avait de la chance, on allait au gymnase municipal avec grands vestiaires en bois, tapis bleus
rembourrés et matériels de gym mais qu’on n’avait pas le droit
d’utiliser.
On allait à l’école Victor Hugo pour faire informatique: on nous
enseignait le langage “basic” et on passait l’heure à taper
des instructions bizarres sur des ordinateurs géants.
Nous venions tous
d’horizons différents et nous étions unis. Il y avait toujours un
mot bienveillant pour consoler un ami. Une sorte de douce insouciance
régnait. Mais ne nous laissons pas aller à la nostalgie de notre
enfance perdue: je ne suis pas Marcel Proust! Ce que nous avons vécu
ensemble c’est comme une source où puiser la force, les amis,
c’est comme une lumière qui brille et réchauffe notre âme.
Aujourd’hui, nous nous sommes retrouvés, quoi que nous fassions et
où que nous soyions, dans la rue ou devant l’horizon infini de la
mer, dans nos maisons, à l’usine, à l’atelier, sur notre lieu
de travail, dans notre jardin ou depuis la cîme
d’une montagne, quand on se sent sans force ou blessé, quand on
voudrait recommencer et retrouver le goût
de vivre, ou quand tout va bien, à voix haute ou dans le silence de
notre coeur, nous pouvons crier:
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