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Histoire d'elle ou ma biographie réaliste



Mathilde voit le jour à Paris, au milieu des poissons fétides du marché de la cour des miracles. Chétive, donnée pour morte, l'enfant pousse un cri. C'est un cri, c'est un chant, c'est aussi le désert et le vent. Elle ne connaitra jamais son père car il est brulé vif sur le bucher de l'Inquisition quelques jours après sa naissance. On menace sa mère du même sort: avant Kepler, sans même savoir marcher ou parler, véritable enfant prodige, Mathilde écrit la défense de sa mère contre les inquisiteurs. Elle pense la sauver du bûcher mais les Inquisiteurs, ces hommes de mauvaise foi, font décapiter la mère de Mathilde. Voyant la tête de sa mère rouler dans le caniveau, la petite fille jugera sur la tête de sa mère, au sens propre, qu'elle se tiendra à l'écart du fanatisme et de l'obscurantisme sous toutes ses formes, y compris gazeuse. Ecoeurée de ne pas avoir pu sauver sa mère grâce à ses mots, elle rejette plume, papier et encre, feuilles blanches A4 et à carreaux, classeurs, cahiers, stylos, gomme, colle et ciseaux pour se consacrer à l'apprentissage de la langue des signes avec l'aide de Quasimodo qui la recueille dans la cathédrale de Notre Dame. Ce dernier s'affectionne de la petite fille et s'occupe d'elle avec bienveillance. Il l'endort au son des cloches, ce qui n'arrange pas l'ouïe de la gamine, bien contente d'apprendre la langue des signes du coup. L'insouciance de ces jeunes années dure peu malheureusement. Bientôt, elle se sent de trop au milieu de l'étrange trio constitué de son ami Quasimodo, le prêtre chelou de chez chelou Frolo et la gitane qui fume un peu trop, Esmeralda.

L'adolescence de Mathilde se poursuit alors sous le signe de l'errance, du silence, de l'absence, de la dégéneresence, de la quintessence du non-sens et de tous ces mots qui finissent en "ence" dont parsèment leurs écrits les frimeurs de la prose. Heureusement, un trans remarque la jeune fille: il s'appelle Renato. Tenancier du célèbre cabaret "La cage aux folles", il voit en Mathilde quelque chose que personne n'avait jamais vu auparavant. Ce je-ne-sais-quoi d'indéfinissable, impalpable, indicible, ineffable. Il croit en elle, il croit qu'elle peut voler, qu'elle peut toucher le ciel, "I think about it every night and day, Spread my wings and fly away". Grâce à Renato, Mathilde va connaître une nouvelle vie. Elle peut dire adieu à l'errance, au silence, à l'absence, à la dégéneresence, à la quintessence du non-sens et à tous ces mots qui finissent en "ence" dont parsèment leurs écrits les frimeurs de la prose.

Sa vie devient fulgurance. Figure portante de la "cage aux folles", elle est une artiste à 360 °, température à laquelle elle est portée à ébullition chaque soir devant un public de plus en plus nombreux et chaud. On la surnomme "La Torche". Un soir, assiste au spectacle, une personnalité hors-du-commun. Le célèbre illusionniste Harry Houdini, "c'est moi, c'est l'Italien, est-ce qu'il y a quelqu'un?, est-ce qu'il y a quelqu'une?". Sauf qu'Houdini était américain. "It's a kind of magic. A kind of magic. This flame that burns inside of me. I'm hearing secret harmonies". Harry H. la veut coûte que coûte pour son show. Il négocie un contrat très avantageux avec Renato. C'est signé, destination New York. Mathilde se demande comment dire adieu à Renato. "Renato, comment te dire adieu?" Car son coeur de silex vite prend feu, et le coeur de pyrex de Renato résiste au feu. Sous aucun prétexte, elle ne veut devant lui surexposer ses yeux, derrière un kleenex, elle saura mieux comment lui dire adieu. Elle décide alors de le dire avec des fleurs.

Elle et Harry H. prennent le train. Destination Le Havre pour ensuite s'embarquer sur un Transatlantique à destination de New York. L'Atlantique au milieu, et chacun sur sa rive, L'Atlantique au milieu, Un coup d'aile et j'arrive. Leur conversation va bon train sur les rails. L'illusionniste et elle sympathisent très vite. Partager un bout de chemin de fer ensemble, ça les électrise. Harry H. traverse une période difficile: au bout du tunnel, il s'égare. Ils se retrouvent par erreur dans le port d'Amsterdam où y a des marins qui chantent les rêves qui les hantent. Et ça sent la morue jusque dans le coeur des frites que leurs grosses mains invitent à revenir en plus, puis se lèvent en riant dans un bruit de tempête, referment leur braguette et sortent en rotant. Devant cette insoutenable grossièreté, Houdini disparait dans un tour de prestige incroyable. Résonne en écho sa voix L'Atlantique au milieu, et chacun sur sa rive, L'Atlantique au milieu, Un coup d'aile et j'arrive. La jeune femme regrette le départ de son ami Harry H. mais elle le comprend et là, au milieu du port, elle improvise une chanson qu'elle lui dédicace. Les oiseaux de l'Occident, Nous verrons passer au jour levant, Dans une machine qui court plus vite que le vent, Attends avant de te réveiller, attends que je t'embrasse, que je te dise bonjour, avant de faire la traversée, Juste pour passer par-dessus le temps.

Passait par là un petit groupe d'anarchistes du nom des communards "don't leave me this way, i can't survive, i can't stay alive". Irrésistiblement attirés par son chant, ils lui demandent de signer la pétition pour la libération d'Abel Chemoul, prisonnier des geôles fascistes. Elle se joint à eux et ils font retour à Paris. Cette chère ville qu'elle n'arrive pas à quitter, Paris. Paris, Paris combien, Paris tout ce que tu veux, Paris, Paris tenu, Paris, Paris perdu, Paris tu m'as laissé, Sur ton pavé. Les qualités inflammables de la jeune femme sont appréciées des communards qui la positionnent en première ligne sur les barricades. Son engagement politique explosif la fatigue physiquement et la démoralise. Consciente de décevoir ses camarades, la Torche commence à se torcher. Imbibée d'alcool, elle ne comprend plus la réalité qui l'entoure ni la sentence qu'on prononce contre elle au tribunal.

Comme Louise Michel, elle est condamnée au bagne et déportée en Nouvelle Calédonie. De son engagement politique, elle dira plus tard: "Au fond, depuis Quasimodo, ma vie a toujours cloché". Au bagne, elle côtoie les missions jésuites du père Gabriel et de Rodrigo Mendoza. Elle découvre surtout le peuple natif des Guaranis qui l'initient à l'art de la peinture sur soi et de l'évasion. Elle traverse l'Atlantique sur un sac de noix de coco. L'Atlantique au milieu, et chacun sur sa rive, L'Atlantique au milieu, Un coup d'aile et j'arrive.

De retour à Paris sous une fausse identité, elle fréquente Montparnasse. Elle vit de petits boulots. Blanchisseuse, lavandière. Elle pose pour des artistes pour arrondir les fins de mois. La peinture sur soi des Guaranis intéresse les peintres. Elle devient l'égérie des plus grands. Les surréalistes se l'arrachent: sa peau couleur arc-en-ciel est un acte d'émancipation féminine. Un manifeste du corps de la femme libérée. Photographiée en noir et blanc, la première exposition de ses portraits par Man Ray ne remporte pas le succès escompté. En avance sur son temps, elle est vite évincée par une concurrence sans merci. Elle écrit alors son premier poème, "Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir".

Commence une nouvelle étape dans la vie de Mathilde. Celle d'une longue pérégrination littéraire et existentielle. Elle dérange l'ordre établi et les autorités conservatrices de son époque. Elle est dénoncée et enfermée entre les quatre murs d'un asile psychiatrique situé sur l'ile de Montecristo. La cruauté humaine semble s'abattre sur elle. En plus d'une camisole de force, on lui fait porter un corset et un masque de fer. Tout semble perdu pour elle. Du fond de ses oubliettes, elle parvient heureusement à communiquer avec son cher ami l'illusionniste Harry H. à travers le "Shining", cet art de la la télépathie qu'ils avaient développé ensemble dans leur bref voyage sur les rails. Il parvient à la délivrer de ses chaines et l'emmène en Suisse où il achète rien que pour elle le château de Rick Ola, règne de la fraîcheur, du sucre et de la sueur. Elle se consacre à toutes ses passions, entre alambics, littérature, recherches, cuisine, ménage, lecture, moulure, rangement, cinéma, imprimerie, peinture sur bois, papier peint et swiffer.

Ses mémoires, Résilience, publié en 1950, font une entrée remarquée dans le monde littéraire. Il faudra attendre 1954 pour que La cloche qui cloche, succès populaire, encensé par la critique la confirme comme une écrivaine à part entière. Elle choque et ose avec son roman La moche (1955) qui lui vaut le prix fémina et une adaptation cinématographique du réalisateur Jacques Le Laid. Elle enchaine les succès, La torche et l'éméchée (1958), Ceux qui m'ont plagiés (1959), Paris est une guinguette (1960). Ses provocantes Mémoires d'une jeune fille torchée (1962) lui valent un procès pour outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes moeurs". Elle clamera son innocence à travers un courageux plaidoyer où elle criera aux juges "Madame Torchée c'est moi!". Elle sort moralement éprouvée de cette expérience et décide de mener une vie retirée et secrète. Dégoûtée du système, elle décide de vivre autrement. Tout n'est-il qu'une question d'argent? Est-ce les numéros de ventes qui font la valeur d'un livre ou de son auteur?

Elle décide alors d'écrire seule, à la main, tous ses nouveaux livres. Sans l'aide d'aucun éditeur. Sans publicité. Sans réseau social. Juste avec la force de ses mains et le bouche à oreille.   "Comme mon ami Harry Houdini, je veux être une magicienne des mots, la Circé du papier."déclare-t-elle. Elle a du mal à s'en sortir, vu l'ampleur de la tâche. Qu'importe? Parvenant avec peine à l'écriture d'un seul livre qui lui demande un temps fou, elle lance le concept de copie unique: elle donne à certaines personnes  plusieurs feuilles numérotées. Ils peuvent comprendre l'histoire seulement s'ils se rencontrent et recomposent le puzzle. Elle a récemment poussé le défi un peu plus loin en jetant des bouteilles à la mer. Une fois ses histoires recomposées et lues par ses lecteurs, elle leur demande de détruire son travail. "Les mots sont éphémères comme un.., mystérieux tels un..., ils s'e
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