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Je sculpte avec toi, liberté!

Bonjour! C'est avec joie que je partage dans cet espace virtuel, un extrait de ma dernière nouvelle publiée. L'heureux hasard a voulu que je partage avec vous l'extrait suivant, épisode 7, en tout il y en a 12. Je sais qu'il faudrait que je vous écrive un résumé! Je m'y colle mais je me limite à vous donner les clés pour éclairer cet épisode. Je peine toujours à écrire des résumés.

Nous sommes au début du XXe siècle. Dante Nesti,est un jeune sculpteur originaire de Carrare, en Toscane.En voyage à travers l'Europe, il apprend beaucoup sur lui, la vie, l'art, et ses rencontres l'enrichissent spirituellement et matériellement. Il revient de temps en temps à Carrare mais il n'est pas fait pour se fixer et sa famille et le modèle de vie qu'on voudrait lui imposer deviennent pour lui un carcan qui l'étouffent. La liberté c'est une énergie dont il ne peut plus se passer. Il parvient à trouver son équilibre à Paris mais quand il finit par atteindre succès, reconnaissance et prospérité, tout s'écroule. Victime de la vengeance d'un homme puissant, il est devenu aphasique et a perdu l'usage de la parole, de ses mains. Les médecins jugent que ses lésions sont irréversibles et conseillent à la famille de Dante de l'interner. Tout semble perdu pour lui. Sans espoir. Ses proches refusent ce verdict et tentent l'impossible. L'un deux, Gustave de Mauzac, propose d'emmener Dante en Egypte car il connait un médecin, Hassan, qui pourrait peut-être l'aider. Font partie du voyage, la soeur de Dante, Rosanna ainsi que ses proches amis Gabriele Fabbri et sa soeur, elle- même sculptrice, Cristina.


                                       L'appel du désert


_Il y a plusieurs jours de voyage pour aller trouver cet homme. C’est un chaman qui fait partie d’une tribu nomade dans le désert. C’est un homme très respecté qu’on ne peut pas rencontrer comme on veut. Il y a une sorte de rituel à suivre, c’est difficile à comprendre pour des Occidentaux.
_Tu penses que cet homme pourrait guérir Dante ?demanda Gustave.
_Tu sais Gustave, vu ce qui s’est passé aujourd’hui, c’est comme si une petite lueur s’était allumée. S’il existe un homme qui pourrait aider votre ami, je ne vois que lui.
L’Égyptien savait qu’une caravane se rendait dans le désert et qu’elle passerait tout près de la tribu du chaman. Il fallait qu’il suive un rituel ancestral. Il devait se rendre seul auprès de ce dernier et lui faire des dons pour lui et sa tribu. Dons qui devaient être à la hauteur de sa requête. Il devait aussi se mettre à leur service s’ils avaient besoin de quelques soins : soigner des enfants malades, écouter les anciens qui souffraient de tels ou tels maux ou aider à accoucher quelques femmes. Enfin, il devait aussi se présenter dans l’humilité la plus totale : avoir fait ses prières de manière assidue, entamé un jeûne et s’être purifié corps et âme. Le voyage d’Hassan pouvait prendre plusieurs semaines. Gustave, Rosanna et les Fabbri se rendirent avec lui pour les achats à faire pour la tribu. C’était eux qui financèrent tout pour son expédition.
_Merci de ce que vous faites pour nous lui dit Cristina. Que pourra-t-on vous donner en retour ?
_Je ne fais que mon devoir mademoiselle.
Le jour du départ à l’aube, la jeune femme accompagnée de Gustave et Gabriele, vinrent saluer leur ami. La caravane partait depuis une splendide porte en style ottoman orné de motifs végétaux et de calligraphies arabes. La construction enchanta la sculptrice. Pas de médecin pour le moment. Elle se perdit donc dans la contemplation de cette construction majestueuse.

Alberto Rossi (Turin,1858-1936)"Bab el Zuela la Porta Miracolosa al Cairo",1901, huile sur toile.
           

_C’est la porte « Bab el Zvela », la porte miraculeuse, lui dit une voix qu’elle reconnut sur-le-champ.
Quand elle se retourna, elle vit Hassan pour la première fois vêtu dans un style oriental. Il portait d’habitude un costume à l’européenne. Il n’avait plus sa barbe. Il semblait un autre homme. C’était comme si elle le voyait pour la première fois. Il avait un regard particulièrement intense qui la troubla. Elle le trouva beau.
_J’espère que cette porte du miracle sera de bonne augure pour votre voyage.
_Je l’espère aussi, lui répondit-il.
_Cela vous va bien, je veux dire, votre...lui bredouilla-t-elle en lui indiquant sa barbe.
Il sourit
_Cela fait partie du rituel.
Des hommes derrière lui élevèrent la voix, en arabe. C’était le signal du départ. Il la salua avec l’éducation qui le distinguait, il embrassa son ami Gustave et il serra la main de Gabriele. L’aube éclairait de sa lumière orangée, cet homme à l’allure princière qui monta sur un dromadaire. La caravane partit dans un spectacle inouï qui les émeut tous trois. Ce voyage était tellement chargé d’espoir.
Les semaines qui suivirent, Cristina passait du temps à dessiner et à faire des croquis : elle désirait reprendre la sculpture car l’Égypte l’inspirait. Elle débordait de nouveau d’inspiration et de vie. Avec Dante et Gustave, elle visitait la ville armée de son carton à dessin et de ses fusains. L’architecture arabe la fascinait. Les femmes aussi avec leurs longues tuniques, leurs robes, leurs gestes gracieux, leur langueur. Les larges rivages du Nil bordés de palmes à dattiers, d’amandiers et de papyrus exerçaient sur elle un pouvoir d’attraction. Dante était de nouveau muré dans son silence et semblait absent et ailleurs mais malgré tout, sa présence à ses côtés lui était indispensable. Elle aimait se promener avec lui et elle avait oublié l’épisode chez le marchand de bijou du souk : elle n’éprouvait plus de peur. Tout semblait redevenu comme avant ou presque. Elle pensait à Hassan, elle le revoyait dans la lumière de l’aube, le jour de son départ ou quand il l’avait soignée. Elle avait dessiné de mémoire plusieurs de ses portraits, l’un quand il portait son costume à l’européenne, avec sa sacoche en cuir, sa barbe et son air sérieux. Un autre, dans sa tenue traditionnelle, sans barbe, les yeux avec une expression indéfinissable, près de la porte Miraculeuse.
Plus d’un mois était passé quand un matin, on frappa à la porte de la suite. Cristina bondit car elle était sure que c’était Hassan. Elle cria son prénom
_Hassan, c’est vous ?
_Oui !
Enthousiaste et fébrile, elle ouvrit la porte sur un Hassan, maigri, le visage visiblement fatigué, vêtu de son costume à l’européenne.
_Je suis si contente de vous revoir ! Lui dit-elle.
Elle ne put s’empêcher de lui sauter au cou et de l’enlacer. Il resserra son étreinte et ils restèrent ainsi un moment, dans l’embrasure de la porte.
_Pardonnez-moi dit-elle après un moment. Je ne voulais pas être impolie, je...Dites-moi comment s’est passé votre voyage ?
_J’ai une grande nouvelle à vous annoncer. Le shaman a accepté de voir Dante ! La prochaine caravane part dans deux jours.
Cristina hurla de joie et alla réveiller tout le monde. Chacun devint hystérique et se précipita sur Hassan pour l’embrasser. Seul Dante restait immobile, sans comprendre ce qui se passait. Le terre-neuve qui était devenu son fidèle compagnon s’était allongé au pied du sculpteur et semblait regarder la scène avec amusement. Hassan éprouvait une grande joie mais épuisé, il s’affaissa sur ses jambes. Gabriele et Gustave le soutinrent.
_Je crois que notre ami a besoin d’un petit déjeuner copieux.
Sur la terrasse, on fêta la bonne nouvelle autour de la table.
Quand Hassan reprit des forces, il raconta avec des mots fascinants ses aventures. Chacun l’écouta avec plaisir.
_La prochaine caravane part dans deux jours, répéta-t-il. Cela nous laisse peu de temps pour nous préparer. Le chaman veut bien que vous veniez tous avec Dante et vous propose son hospitalité. C’est un grand honneur qu’il nous fait. Il a été touché par votre histoire.
_Vous lui avez parlé de nous ? Demanda Cristina.
_Oui, lui répondit l’égyptien.
_Est-ce que le voyage ne sera pas trop dur pour Dante ? lui demanda inquiète la jeune femme.
_Ne le sera-t-il pas pour nous tous ? Lui retourna la question Hassan
Le voyage dans le désert fut incroyablement éprouvant. C’était découvrir combien l’homme n’était rien dans l’infini de cet espace qui le dominait. Les dunes de sable à perte de vue et la chaleur torride furent une expérience inouïe. Le silence était rompue par le bruit des dromadaires ou quelques paroles échangées en arabe par les membres de la caravane. Tout se réduisait à l’essentiel dans le désert : on ne parlait pas pour ne rien dire, on ne buvait l’eau que quand cela était nécessaire et le soir, la fatigue était telle, que l’on s’endormait comme des souches sous la voûte céleste autour d’un bon feu car les nuits étaient froides. Dante ne semblait pas souffrir particulièrement de ces conditions extrêmes et il s’endormait comme un enfant. Cristina le regardait avec tendresse et le dessinait. Autour du feu, seuls Hassan et elle ne s’endormaient pas tout de suite. Ils prirent l’habitude de parler. Il avait emmené avec lui un livre de poésies en arabe et il lui lisait. Elle lui montra le portrait qu’elle avait fait de lui à la porte Miraculeuse du Caire. Il sourit. Elle lui demanda la signification des calligraphies arabes qu’elle avait reproduites.
_Ça, ça veut dire « Fortune », ici, c’est la « santé » et ça, ça signifie « bénédiction ».
Elle essayait de le répéter et il lui corrigeait la prononciation et souvent cela finissait en fous rires. Puis il se levait et la saluait respectueusement et allait dormir en face d’elle, du côté des hommes. Elle s’endormait aussitôt après, sans savoir que de loin, il la regardait dormir en silence. Une bonne partie de la nuit, jusqu’à ce que le feu le permette.
Enfin, on arriva à la tribu du shaman. Hassan se présenta à lui avec Dante à ses côtés. Le shaman s’appelait Youssef. Lui aussi, il avait le genre de regard qui vous saisissait à l’instant et vous pénétrait comme une flèche pour lire en vous comme dans un livre ouvert. C’était étonnant. Youssef était un homme accueillant, souriant et jovial. Physiquement, il ne ressemblait pas du tout à ce que les quatre amis s’étaient imaginés. Il s’étaient attendus à voir un personnage bizarre, mi sorcier mi nomade du désert qu’ils auraient trouvés très différent et éloigné d’eux. Au contraire, l’homme leur parut proche et familier. Quelle étrange sensation ! Là, au milieu de nulle part, dans le désert, cet homme leur inspira un sentiment fraternel. De lui, émanait une bienveillance infinie. Une force. Il fit un signe sur le front de Dante puis il l’étreignit en prononçant une phrase dans une langue qui ressemblait à de l’arabe qu’Hassan traduisit en « Sois le bienvenu, mon ami. Toi que Dieu a mis sur mon chemin. Sois béni ». Puis, Hassan présenta Gustave, son vieil ami, puis Gabriele, Rosanna et enfin Cristina. Tous étaient très émus. Il les invita sous sa tente où on leur servit un thé à la menthe et de quoi se restaurer. Il leur présenta sa femme, Myriam ainsi que ses filles. Ces femmes invitèrent Cristina et Rosanna dans une autre tente où on leur avait préparé un bain avec des vêtements propres. Même si elles ne parlaient pas la même langue, il y avait une sorte de compréhension surnaturelle, au-delà des mots. Les filles riaient et aidèrent les deux italiennes enchantées à revêtir leurs nouveaux habits qui étaient comme ceux de la tribu. Elles coiffèrent leurs cheveux, leur firent des tresses et leur dessinèrent des motifs géométriques sur les mains avec du henné. C’était comme retrouver une féminité ancestrale : quelle belle sensation. Quand les deux femmes réapparurent ainsi devant Gustave, Gabriele et Hassan, ils eurent une expression étonnée. Hassan fixa Cristina et baissa le regard.
_Où est Dante ? Demanda-t-elle.
_Il est avec Youssef, à côté, en indiquant une partie de la tente, fermée par un épais tissu.
On entendait la voix de Youssef qui prononçait des phrases comme dans une sorte de prière.
_Qu’est-ce qu’il lui fait ?demanda inquiète Cristina.
_C’est un rituel secret, personne ne le sait exactement.
_Mais...murmura la jeune femme qui voulut s’approcher.
Hassan la retint par le bras et l’empêcha d’avancer.
_C’est interdit de regarder. Ayez confiance Cristina.
Au bout de trois jours, Youssef dit à Hassan que ses amis pouvaient repartir pour le Caire et que Dante restait avec lui, qu’il fallait du temps.
_Quoi ? Demanda Cristina. Mais on ne peut pas le laisser seul ici ! Dante ne comprend pas sa langue, s’il guérit, il se sentirait perdu ici, au milieu de nul part. Il a besoin de nous, on est sa famille !
Youssef demanda à Hassan de lui traduire les mots de la jeune femme. Le shaman s’approcha d’elle et lui prit les mains. Il lui dit quelque chose qu’Hassan lui traduisit ainsi :
_Votre cœur est rempli d’amour, c’est une bénédiction mais laissez-le partir vers son destin. S’il doit guérir, il guérira si telle est la volonté de Dieu. Nous n’appartenons ni aux autres, ni à notre famille mais qu’à Dieu. Il doit se retrouver lui-même et si c’est Dieu qui vous a unis, vous vous retrouverez de toute façon. Ayez foi.
Sur le chemin du retour, Cristina, enveloppée dans son voile, sanglotait de désespoir. Elle avait peur, le reverrait-elle jamais?

 
Alberto Rossi, "Carovana in Egitto", 1893, aquarelle
           





Commentaires

D'hom a dit…
C'est super Mathilde. Merci pour ce partage. J'ai hâte de connaitre la suite…
Mathilde Corvaia a dit…
Merci D'hom, ton retour positif me fait plaisir.
marcom a dit…
Une histoire pleine de scénarios qui font que le lecteur se sent immergé dans l'atmosphère des lieux décrits en détail. Vous avez donné aux personnages des traits de caractère bien définis. L'émotion et l'attente enrichissent l'histoire. Peu importe comment ça se passe, ce qui compte c'est la tension que vous avez su créer. Merci d'avoir partagé ce récit.
Marcello Comitini